« Mais qui suis-je pour donner des conseils ? »
C’est la question que je me suis posée longtemps et qui a retardé la mise en œuvre de ce projet de chaine vidéo. Outre la procrastination du retraité, il y a bien sûr une bonne dose de ce « syndrome de l’imposteur » qui ne m’a pas quitté tout au long de ma carrière. Mais il y a surtout une réelle interrogation sur la pertinence de la notion de « conseils » dans le domaine de l’éducation.
Qui suis-je ?
Mais avant d’aller plus loin dans cette réflexion, revenons sur le début de ma phrase d’accroche : « qui suis-je ? ».
C’est toujours délicat de se présenter, d’autant plus à l’heure du numérique où l’Internet garde une trace de tout (ou presque) ce que vous avez dit ou publié. En plus, les réseaux sociaux obligent à produire un profil qui en dit déjà beaucoup. Et puis, si vous êtes arrivé sur cette page, c’est que vous me connaissez déjà un peu !
Je ne vais pas dérouler toute ma carrière (il y a Linkedin pour ça…) et encore moins reprendre tout ce que j’ai déjà écrit (voyez mon vieux blog ouvert en 2003 puis le nouveau sur Médiapart ainsi que mes chroniques pour Alternatives Économiques). Vous pouvez aussi me « googler » comme on le fait aujourd’hui !
Professeur de SES, Formateur en temps partagé à l’INSPÉ aujourd’hui retraité, et toujours militant pédagogique... Chacune de ces étiquettes peut être pour beaucoup de lecteurs un empêchement à aller plus loin.
La moins problématique est peut-être celle de « professeur de SES », quoique... Je l’ai été pendant 42 ans et je n’ai donc jamais enseigné au collège et encore moins en Primaire ni dans l’enseignement professionnel. Ceux qui enseignent à ces niveaux peuvent se dire que je ne connais rien à ces terrains spécifiques. De même, ceux qui ne raisonnent que par rapport à leur discipline d’enseignement, peuvent aussi être méfiants. Je fais l’hypothèse qu’au delà des questions spécifiques didactiques, il y a des grandes questions pédagogiques qui se posent à tous les enseignants quels que soient leur matière ou leur niveau d’enseignement.
« Formateur à l’INSPÉ » ! Les clichés et présupposés sont nombreux : hors sol, dogmatiques et/ou refusant de trancher… Tout en ayant conscience de ces critiques, j’ai beaucoup aimé exercer cette activité différente et complémentaire de celle d’enseignant. J’ai essayé de résumer ma vision de ce métier dans un article que je vous invite à lire. Le choix d’être resté seize ans en temps partagé malgré les difficultés d’organisation est en tout cas, un choix personnel, politique et pédagogique pour lever une partie des critiques évoquées plus haut. Le fait d’être « sur le terrain » vous oblige à la modestie et prémunit du dogmatisme.
« Militant pédagogique » peut être aussi un repoussoir pour certains lecteurs qui y liraient à tort un soupçon de dogmatisme et même une menace d’endoctrinement. Ce travers peut exister chez ceux qui sont persuadés d’avoir trouvé LA méthode ou LA solution...Rien de pire et rien de plus faux. J’ai souvent dit que si j’avais des convictions je me gardais bien d’avoir des certitudes. Chaque situation est différente et ce qui convient à l’un ne va pas forcément aller pour un autre.
Mon « militantisme » se situe surtout au niveau des valeurs. La pédagogie ce n’est pas neutre, ce sont des valeurs mises en action. Je pourrais promouvoir des dispositifs qui favorisent la coopération ou au contraire la compétition, ce ne sont pas les mêmes valeurs et le même choix « politique » (osons le mot)
Donner des « conseils » ?
Si je vous propose ces quelques réflexions, ce n’est pas seulement pour m’occuper parce que j’ai du temps mais surtout parce que l’envie de transmettre et le goût de la pédagogie n’ont pas disparus avec mon départ en retraite.
J’ai fait allusion plus haut à mon activité de formateur. Celle-ci s’est exercée non seulement à l’IUFM/ESPÉ/INSPÉ mais aussi et d’abord dans le milieu associatif et les mouvements pédagogiques. A chaque fois, j’ai essayé de naviguer entre deux écueils : l’un est celui d’être hyper-prescriptif et l’autre de refuser de donner un conseil au prétexte qu’il faut que chacun « trouve sa propre voie ».
Pour ma part, j’essaie toujours de donner le choix et de montrer les enjeux de chaque décision. Plutôt que de dire sans cesse « il faut faire comme cela », je tente de montrer ou de faire trouver les avantages et les inconvénients de chacun des choix : « si tu fais comme ça, il y a tels avantages, il faut rassembler telles conditions, et en voici les inconvénients et les dangers… ». Si cela n’interdit pas d’expliquer comment on fait (ou faisait !), cela suppose un peu de nuance et de modestie.
Plus encore que le conseil qui permet de répondre à une question à un moment précis pour une situation donnée, ce qui est essentiel, me semble t-il, c’est de permettre une démarche d’analyse. Une de mes convictions fortes c’est qu’un « bon » enseignant c’est celui qui pense son métier. Pas quelqu’un qui applique des recettes.
Alors finalement, il y a quoi dans cette chaine vidéo ? Et pour qui ?
« C’est bien gentil tout ça, mais qu’est ce qu’il va raconter ce vieux schnock ? »
Des conseils ? Oui ! bien sûr mais avec modération et précautions sur des sujets qui intéressent tous les enseignants : comment apprendre, l’autorité, sanction, la gestion de classe, l’attention, la mémorisation, les méthodes actives, le travail de groupe, la différenciation… et bien d’autres encore.
Il y aura aussi des réflexions plus générales sur la pédagogie qui s’appuieront sur la recherche. Si je suis un praticien et pas un chercheur, je suis cependant un grand lecteur de leurs travaux que j’essaierai de vulgariser.
Des blagues ? Oui, peut-être… mais surtout une volonté de ne pas se prendre trop au sérieux.
Ces petites vidéos ne sont pas seulement pour les enseignants débutants même si c’est le premier public visé. Je serais très heureux si elles répondaient à des besoins d’auto-formation et que cela s’élargissait à des enseignants plus expérimentés. Dans ce métier, on débute chaque année et « penser son métier » c’est aussi se remettre sans cesse en question. Les vidéos peuvent être l’occasion d’échanges et de débats.
N’hésitez pas à réagir en commentaire de ce texte ou sous les vidéos. Soyez indulgents pour la qualité des images et du montage. Je ne suis pas un vidéaste expérimenté et encore moins un « influenceur ». Attendre que mon niveau s’améliore ne serait qu’une autre forme de procrastination. J’apprendrai au fur et à mesure, en faisant des essais et des erreurs. Comme tout enseignant !
Philippe Watrelot
Rappel
la chaine vidéo sur YouTube est là :
https://www.youtube.com/@TeachSchnock
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