« Construire un cadre de travail (serein) pour les élèves » « poser un cadre pour la classe »… Poser ou construire, quelque soit le verbe, le “cadre” fait partie de ces mots valises qu’on retrouve fréquemment dans la formation et les conseils destinés aux enseignants
C’est, en effet, une problématique des premières semaines et un élément important des gestes professionnels de l’enseignant. Mais qu'est ce qu'on y met dans ce cadre ? Et pour quoi faire ? Et si les élèves sortent du cadre ? que se passe t-il ? Quels sont les enjeux pour le prof?
Qu’y a t’il dans le cadre ?
Derrière ce mot, il y a des choses très simples que tous les enseignants cherchent à installer et mettre en œuvre.
En premier lieu, il y a d’abord des normes ou pour le dire plus simplement des règles de vie. Le professeurs de SES que je suis (toujours) définirait les normes comme « l’ensemble des règles écrites ou non écrites issues des valeurs et régissant les comportements attendus partagés par les membres d'un groupe ou d'une société donnée» »
Au sein de la classe, l’enjeu est donc de faire en sorte que ces règles deviennent celles de tous. Cela passe par un processus de socialisation plus ou moins long pour que les élèves les intègrent. Ce n’est pas du « dressage » ! Chacun acceptera d’autant mieux les règles si elles ont été explicitées voire négociées. Mais ce n’est pas une garantie. On peut comprendre l’intérêt rationnel de l’existence d’un feu rouge ou d’un stop et vouloir essayer de le griller quand même... Les normes sont indissociables de l’existence de sanctions.
Dans le cadre de la classe, le professeur peut donc expliquer les raisons de certaines règles et même les négocier. Par exemple : pourquoi doit-on lever la main pour demander la parole ? Parce que sinon, plus personne ne s’écoute et tout le monde parle en même temps. La contrepartie de cette règle est donc la possibilité d’être écouté.
On peut être encore plus précis et mettre en avant les valeurs que l’on veut promouvoir dans la classe et son enseignement. La coopération, l’entraide et la solidarité sont des valeurs qui peuvent s’énoncer mais aussi et surtout s’incarner dans des pratiques de classe et des dispositifs comme le travail de groupe, la bourse des savoirs ou le tutorat.
Les habitudes de travail ne s’installent pas en un jour. Réaliser un travail collectif est une tâche difficile (y compris pour les enseignants eux-mêmes). Il faut quelquefois lutter contre les représentations et les résistances des élèves qui vont préférer des formes de travail scolaire plus individualistes, passives et moins engageantes. Travailler en groupes, cela s’apprend aussi bien pour l’élève que pour l’enseignant. C’est dans la durée que ce type de mise en activité prend toute son efficacité et tout son sens.
Construire un cadre c’est donc expliciter les attentes en termes de comportements et installer des habitudes de travail. Celles ci passent aussi par des rituels qui peuvent structurer le déroulement d’un cours (début, milieu, fin…) et permettre un meilleur apprentissage. Au final, l’enjeu c’est de créer un climat de classe. La chercheuse Dominique Bucheton parle pour sa part d’ « atmosphère » mais on peut aussi, pour continuer avec le vocabulaire de la sociologie, parler d’une “culture’ du groupe classe. C’est bien sûr plus aisé quand c’est quelque chose qui est partagé par les autres enseignants.
Un cadre lisible et sécurisant
Poser un cadre c’est le rendre lisible et c'est soi même être «prévisible ».
L’objectif c’est d’être sécurisant pour les élèves (petits et grands !) car c’est aussi ce qui garantit les apprentissages ou du moins les rend plus sereins Etre “prévisible”, cela peut aussi se traduire simplement dans la conduite du cours par une pédagogie la plus explicite possible. Annoncer simplement les objectifs du cours, le plan, les critères d’évaluation (et les dates des contrôles !), les éventuelles sanctions… ce sont des éléments importants de cette prévisibilité.
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Un dessin de Pol Le Gall dans Les Cahiers Pédagogiques |
Car l’enjeu c’est bien, au final, d ‘apprendre. Expliciter les règles n’est pas synonyme de négociation permanente. S’il est utile sur le plan éducatif de bien comprendre la nécessité des normes et même de négocier certaines modalités, cela ne peut se faire au détriment des apprentissages. Il est important ainsi de tracer une limite entre le négociable et le non-négociable.
Il faut savoir placer le curseur : Être constant, cohérent, agir avec fermeté pour préserver l’ordre dans la classe mais aussi savoir s’adapter à ce qui se passe et entendre les demandes.
Etre juste et prévisible : question de crédibilité !
« Dire ce qu’on va faire et faire ce qu’on a dit »
Cette maxime résume assez bien ce que devrait être la posture de tout éducateur (il n’y a pas que les enseignants, mais aussi les animateurs et au final, tous les adultes…). Ce qu’attendent finalement les élèves, c’est que le prof soit prévisible. C’est-à-dire qu’il donne (explicitement ou implicitement) des repères, des règles, des valeurs et qu’il s’y tienne.
Cela je l’ai appris bien avant d’être enseignant, lorsque j’ai été animateur de centre de vacances. Et cela demande lorsqu’on est jeune, un travail sur soi puisqu’il faut accepter de basculer dans le monde des adultes. Ne pas être leur “grand frère” et encore moins leur “copain” mais un adulte qui assume ce rôle et fait respecter des règles. C’est aussi une forme de respect à l’égard des élèves.
Cela veut dire aussi qu’il ne faut pas annoncer et promettre des choses qu’on ne peut pas tenir. C’est donc pour cela que, s’il est souhaitable que ces règles et ces valeurs soient formulées explicitement, il peut être dangereux de s’enfermer dans un ensemble de contraintes trop important comme des « règlements de classe » interminables. La cohérence, elle se voit surtout dans les actes et dans les valeurs qui les sous-tendent.
Quand on demande, (comme je l’ai fait) aux élèves de définir un bon prof, Dans une enquête que j’avais réalisée auprès de plus de 500 élèves de seconde (que je relate dans un article intitulé « qu’est-ce qu’un bon prof ? » ) ils en viennent à définir aussi ce qu’est pour eux un “bon cours” et c’est alors la qualité de la structure du cours qui est mise en avant.
Mais es élèves considèrent d’abord qu’un bon prof est quelqu’un qui sait tenir sa classe. « Il doit savoir se faire respecter » mais on ajoute aussi qu’il ne doit pas être trop autoritaire « Il doit être sérieux et cool » ou bien encore « Il doit être drôle mais savoir mettre les limites quand il le faut ». On attend à la fois un traitement égal pour tous car « Il ne doit pas faire de différence entre les élèves » mais aussi de l’écoute et la prise en compte des situations particulières.
L’équilibre est difficile à tenir. Construire un cadre, c’est un travail de précision !
PhW
Biblio/sitographie
Poser le cadre en classe : première base de la posture enseignante Site Etre prof
Poser le cadre Site Etre prof
Un cadre serein dans sa classe, ça se construit Charlène Schneider – ESF-Sciences Humaines 2020
Cet article accompagne la vidéo qui porte le même nom sur la chaine YouTube Teachschnock
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