Des élèves, debout, au début du cours pendant que le maître fait l’appel et qui s’assoient seulement quand celui-ci les y invite. Un enseignant à l’entrée de sa salle de classe qui accueille ses élèves, un par un avec un “check” spécifique... Deux salles, deux ambiances… (deux époques ? la 1ere image est encore d’actualité) Toutes les deux ont un point commun : elles nous parlent de rituels de classe.
Ceux ci ne sont pas réservés aux temps anciens. Ils sont toujours d’actualité et ont une utilité et plusieurs fonctions dans la gestion de la classe et dans la construction d’un cadre de travail (voir la vidéo et le billet précédents).
Rites, routines, consignes, protocoles, automatismes, habitudes,… le champ lexical est riche. Hormis le rite qui s’applique surtout au domaine religieux, les autres termes renvoient à des pratiques existantes et voisines. Mais on préfèrera le terme de « rituel de classe » pour désigner une pratique récurrente à but pédagogique qui revient à un moment bien défini du cours.
Idées reçues
Avant de rentrer dans le détail et le but des rites, continuons à démonter certaines idées reçues…On vient de le voir en introduction, les rituels ce n’est pas que des trucs de vieux, des pratiques un peu dépassées. Si certaines formes de rituels nous ramènent à l’école de Jules Ferry, on peut inventer des manières d’accueillir, ou de débuter la classe, plus modernes. Car si les modalités changent, la fonction demeure.
Mettre en place des rituels ne fait donc pas de vous un conservateur passéiste. Rappelons que différents mouvements pédagogiques de l’éducation nouvelle inscrivent dans leurs pratiques des rituels spécifiques : le conseil d’élèves dans la pédagogie de Célestin Freinet, les bilans après les ateliers avec Maria Montessori, les groupes de parole préconisés par Fernand Oury.
Autre idée reçue : on a tendance, à tort, à assimiler les rituels à des pratiques réservées aux « petites classes ». On a alors en tête des exemples comme l’inscription de la date ou la reconnaissance des prénoms et le comptage du nombre de présents. Mais les rituels existent aussi chez les grands ! Et ils y sont tout aussi utiles.
A quoi ça sert ?
Ces activités courtes répétées de façon périodique peuvent avoir plusieurs fonctions : automatiser certaines points, donner des habitudes de travail, consolider les savoirs, donner des repères temporels, créer un sentiment d’appartenance…
Comme il est fondé sur la répétition, le rituel à l’école crée donc des conditions favorables pour apprendre. S’il constitue une forme de contrainte, c’est aussi un support pour l’activité voire la créativité. Il construit un cadre sécurisant qui permet à l’élève d’entrer dans les apprentissages. C’est encore plus vrai pour les élèves en situation de handicap ayant des troubles de l’apprentissage.
Il développe la mémoire par sa répétition, des capacités d’anticipation, de la confiance en soi et de l’autonomie par son caractère connu. Ce peut être aussi un moyen de stabiliser des connaissances en invitant l’élève à faire le point sur ce qu’il a fait et la manière dont il a appris (on parle alors de métacognition)
Par sa régularité et sa fréquence, le rituel structure la vie de l’élève et propose des repères d’espace (endroit de la classe où l’activité a lieu), de temps (dans la journée, la semaine, le mois). C’est aussi un moyen de marquer le début et la fin d’une activité ou d’une séance de cours.
C’est donc aussi un outil de gestion de classe. Quand le rituel est installé, il devient contractuel : l’élève sait ce qu’il doit faire, comment et quand. Par ce contrat tacite, l’élève sachant ce qu’on attend de lui peut alors anticiper et être autonome. Cela construit donc le cadre de travail.
Du point de vue social, il assoit les règles de vie scolaire. Partagé collectivement, il a, de fait, une vertu symbolique car il développe un sentiment d’appartenance au groupe. Les heures de vie de classe ou les conseils d’école peuvent aussi permettre de réguler les conflits par des procédures clairement établies.
Des rituels pour tous les moments
C’est donc un domaine très vaste que celui des rituels. Il est difficile d’en faire le tour tant il peut y en avoir de différents selon les niveaux et les pratiques de chacun.
Énumérons-en quelques uns qui nous renvoient à trois dimensions et moments :
- rituels d’entrée
- rituels de sortie
- rituels d’apprentissage.
Énonçons ce qui peut sembler des évidences : tous les enseignants utilisent des « rituels » pour démarrer leurs cours. Cela peut être très simple, ne serait-ce que dire « Bonjour » ou faire rentrer les élèves en classe. Mais même ainsi, il y a différentes manières d’accueillir les élèves qui peuvent être plus ou moins sophistiquées et différentes selon l’âge.
Pour ma part, en lycée, je me plaçais à l’entrée de la salle pour dire bonjour à chaque élève (ce qui me permettait aussi de vérifier l’absence de casquettes, écouteurs, téléphones, etc). Après le début d’année où j’essayais de mémoriser les visages et les noms avec un appel « classique », la vérification des présents se faisait plutôt discrètement alors qu’ils étaient en activité. Au primaire et encore plus en maternelle, ces moments peuvent prendre plus de temps et des formes différentes.
Le début du cours peut être l’occasion de rappeler ce qu’on a vu précédemment et cela peut passer éventuellement par une évaluation (notée ou non…). Il est aussi nécessaire de présenter les objectifs de la séance et ce qui est attendu. Le début d’une séance ou d’une journée peut aussi comporter des moments plus ritualisés comme le « quoi de neuf » souvent utilisé en élémentaire ou des revues de mots, une citation, une revue de presse, un bref exposé, … les possibilités sont très grandes. Vous trouverez plusieurs idées dans le tableau joint à la fin de cet article.
Comment clore la fin d’une séance de cours ? Là aussi les rituels sont nombreux. Ils sont souvent liés aux apprentissages. Puisqu’on a énoncé des objectifs ou des questions en début de séance, il convient d’y répondre à la fin. Fixer le travail à faire pour la prochaine fois est aussi incontournable Mais, avant cela, le plus important est de permettre une synthèse de ce qui a été vu et d’instituer de ce que l’on a appris. Il y a, là encore, de nombreuses modalités pour y parvenir qui vont de la dictée d’un résumé en passant par un dialogue avec les élèves jusqu’à des exercices d’auto-évaluation. Car il ne suffit pas d’avoir appris, il faut aussi le savoir et prendre conscience qu’on a appris ! Pour le dire autrement, il ne suffit pas de placer les élèves dans des dispositifs très riches pour les mettre en activité et favoriser leurs apprentissages, il faut aussi leur montrer qu’ils ont appris. C’est une lacune de beaucoup d’enseignants adeptes des « méthodes actives » d’oublier cette nécessité d’«institutionnaliser les savoirs » qui incombe à l’enseignant.
Entre le début et la fin, il y a le cours ! Et, là aussi, il y matière à ritualiser. Pour démarrer une activité, faire un exercice, chaque enseignant va doter les élèves de procédures, d’automatismes, d’habitudes de travail. Pour construire l’autonomie ou organiser l’entraide ou l’appel à l’aide de l’enseignant, les exemples sont nombreux. Il en est de même pour la prise de parole en classe ou les interrogations orales.
Tous ces automatismes sont la condition pour sécuriser les élèves et leur permettre d’apprendre et de progresser.
S’intéresser aux rituels, ce n’est pas tomber dans la nostalgie ! Si l’école de la IIIème République s’est construite avec des rituels forts et contraignants, il nous appartient d’inventer les rituels de l’École du XXIème siècle et de ne pas retomber dans les pièges tendus par une opinion conservatrice. Mettre les élèves en situation mentale propice au travail, créer un espace et un temps dédié aux apprentissages, favoriser le sentiment d’appartenance, créer du collectif (tout en respectant les individualités), … Toutes ces fonctions demeurent mais il nous incombe à chacun dans nos classes et nos établissements de les adapter aux enjeux d’aujourd’hui.
PhW
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Quelques lectures complémentaires
Pour un renouveau des usages et des définitions des rituels à l’école
Recherche en éducation Hors série n°8 Septembre 2015
Instaurer des rituels et des routines pédagogiques
Site Etre Prof
Site « Tous à l’école »
10 idées de rituels de classe pour la rentrée
Site « Prof Power » (le livre scolaire)
Podcast « Mes trucs de prof » Emilie Le Phat Tan
Ce billet de blog constitue un complément de la vidéo portant le même titre sur la chaine YouTube TeachSchnock
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