samedi 28 septembre 2024

Gestion des conflits et tensions


Dans les questions pédagogiques qui s’imposent lorsqu’on s’engage dans le métier d’enseignant, si on suscite une réflexion sur l’autorité et sur la construction d’un cadre, il y a aussi un aspect incontournable tant il est présent dans les inquiétudes des enseignants débutants : c’est la gestion des conflits. 

Si la question est particulièrement vive quand on débute, elle concerne tous les enseignants qui peuvent s’y trouver confrontés à des degrés divers. Il y a de multiples situations en classe. Certaines sont sources de tensions et peuvent dégénérer et l’enseignant doit faire face, décider et agir rapidement. 

« décider dans l’urgence, agir dans l’incertitude », cette phrase que nous avons déjà explorée, prend alors tout son sens dans ces moments cruciaux. Car on n’est jamais vraiment prêt à affronter des situations de conflits qui sont toujours singulières et spécifiques. Mais on peut malgré tout s’y préparer.  Cela suppose de  savoir qu’elles peuvent se produire, en connaitre les mécanismes et s’être forgé en amont quelques principes d’action.

Un dessin de Honoré Daumier (1808-1879)


Tensions et risques de conflits

Les cas sont nombreux et on ne peut évidemment en faire une liste exhaustive. Cela peut partir d’une situation banale qui s’envenime, d’une mauvaise communication, d’un conflit entre élèves ou d’une opposition d’un individu ou de la classe toute entière avec l’enseignant. Evoquons brièvement quelques exemples. 

Cela peut être des tensions autour de l’évaluation : notes contestées, élèves qui se disent mis en échec,  demande de refaire un autre contrôle, protestations autour du bureau en fin d’heure…
Vous faites une réflexion à un élève qui bavarde mais celui ci réagit vivement en répondant «Mais, il n’y a pas que moi, et de toutes façons vous en avez toujours après moi. »
Les tensions extérieures peuvent s’inviter dans la classe : deux élèves peuvent s’affronter verbalement (ou pire...) pour régler un différend sous le regard des autres élèves. Le harcèlement est aussi un mécanisme qui explique certaines tensions. 
Vous pouvez aussi avoir réagi (trop ?) vivement au bruit ou à l’agitation et provoquer en retour une tension plus grande encore. La tension peut alors être collective et le produit d’un affrontement entre l’enseignant et le groupe classe apparemment unanime. 


Les ingrédients des conflits

Quelle est la recette pour fabriquer un conflit ? S'ils sont toujours particuliers, on peut quand même repérer quelques grandes constantes. Les ingrédients sont souvent les mêmes...

Le sentiment d’injustice est souvent une composante forte des tensions. Il s’agit bien d’un « sentiment » c’est-à-dire d’un ressenti qu’il est donc difficile de lever de manière rationnelle. Il importe en tout cas de ne pas le nier et de dire qu’on l’entend. Il peut être utile de laisser s'exprimer les sentiments.
Ce sentiment d'injustice est souvent renforcé par un ressenti assez voisin qui est celui de ne pas être pris en compte dans son individualité. On est là dans une situation paradoxale : si les élèves, comme tout le monde, réclament un traitement égal, ils veulent aussi qu’on prenne en compte leurs spécificités !

Quand on travaille avec des jeunes, on apprend vite que les questions d’estime de soi sont fondamentales. Tout ce qui peut l’affecter est hautement inflammable et cette dimension affective peut avoir des conséquences durables sur les relations. Il faut être très vigilant sur les risques de sur-réaction et d’engrenage. On ne gagne jamais dans la surenchère et l’escalade verbale. 

Cela est renforcé par la dimension collective. Rien de pire que de « perdre la face » devant les autres. C’est pourquoi, ce qui peut passer pour une victoire quand on fait un bon mot qui cloue le bec à un élève peut s’avérer bien illusoire car celui-ci ne va retenir que l’humiliation face au groupe. 
Les phénomènes de groupe sont évidemment au cœur des tensions. Dans une tension individuelle, les autres ne sont passifs. Ils sont des spectateurs actifs et peuvent jouer un rôle d’« engreneurs »

Il faut aussi rappeler que si la classe est composée d’individus, elle peut être traversée de dynamiques positives ou négatives. Les leaders négatifs (ou positifs) ça existe et ça peut jouer un rôle important dans les phénomènes d’engrenages en jetant de l’huile sur le feu ou en apaisant. On repère cela assez vite. 

N’oublions pas aussi que la communication est à la fois verbale et non verbale. La manière dont vous dites les choses, le ton employé, le volume sonore, votre posture, sont tout aussi importants que vos paroles. Ce n’est pas forcément en élevant la voix qu’on est le plus efficace. Cela peut même avoir l’effet inverse. L’énervement est interactif Employer un ton posé et calme peut être un outil bien plus puissant. De même, se transformer en « cocotte minute » en faisant « chut ! » toutes les 30 secondes n’est pas le meilleur moyen d’obtenir le silence

Enfin, c’est une banalité de le dire, le contexte et le moment sont des éléments importants dans le déclenchement des conflits. La fatigue (la vôtre tout comme celle des élèves ) est évidemment une variable clé. Si vous êtes fatigué, vous serez plus facilement irritable. Il en est de même pour les jeunes que vous avez en face de vous. Il faut donc être vigilant. ! On peut même en jouer ou en rire avec les élèves en prévenant et en leur faisant prendre conscience que le contexte (fin de la journée, cours situé après un contrôle, veille de vacances, etc.) est propice aux tensions. A vous (et eux)  de vous adapter. 


Un cadre souple

On a évoqué dans un autre article, la nécessité de construire un « cadre » pour le travail et les règles de vie. Faisons ici l’apologie d’un cadre « souple », voire caoutchouteux !

Trop de rigidité peut nuire, gardons nous de sur-réagir. En cas « d’indiscipline » (bavardage, intervention intempestive, «insolence», …) il est nécessaire de graduer la riposte : le bazooka est inutile quand la tapette à mouches peut suffire ! 
Il faut aussi être quelquefois (selon l’heure, le contexte… ) un peu sourd et myope pour ne pas voir et entendre certains dérapages...

Prenons garde aussi à ne pas prendre « pour soi » des comportements qui sont d’abord une réaction face à l’institution «École ». Il ne faut pas interpréter les attitudes des élèves comme des attaques personnelles. Il ne faut pas non plus confondre « culture de groupe » et insolence. Certaines manières de parler ou d’agir sont surtout le produit du groupe social auquel ils appartiennent, il faut le prendre avec recul. Cela n’empêche pas de rappeler le langage et les codes de l’école, mais il importe de ne pas les stigmatiser et de faire la part dans ces déviances entre une éventuelle provocation et un simple dérapage. 

« Avant de t’indigner, rappelé toi ce que tu faisais à leur âge » disait Fernand Deligny dans Graine de Crapule. 


Les quatre D…

J’ai pratiqué pendant de nombreuses années, des formations à la gestion des conflits en formation initiale et continue. Je me suis beaucoup appuyé sur les vidéos qu’on trouve sur le site néopas@ction qui proposent des vraies situations dans des classes. 
J’ai aussi pratiqué le théâtre d’intervention. Le principe est le suivant : les protagonistes de départ jouent une saynète une première fois sans être interrompus. Puis ils la jouent une deuxième fois mais les spectateurs peuvent intervenir pour remplacer l’un ou l’autre des “acteurs” et proposer une autre solution à la situation proposée. Ce dispositif a l’avantage d’obliger à une forme d’empathie puisqu’il amène à se mettre dans la peau d’un élève et de faire preuve d’imagination pour imaginer d’autres solutions. On peut aussi poursuivre la réflexion en se demandant comment éviter que la situation se produise. Les discussions qui suivent ces sketchs sont toujours très riches. 

On peut résumer les conclusions de tous ces travaux et observations en quatre verbes. 


•      Dédramatiser : les situations de conflits sont souvent des engrenages qui partent de motifs quelquefois dérisoires, même s’ils sont importants pour les individus qui les ont déclenchés. L’engrenage est aussi le résultat d’une volonté de “ne pas perdre la face” (des deux côtés). Il faut éviter de tomber dans ce piège dans lequel on ne gagne jamais (même si on croit avoir gagné à court terme). L’humour est ici un atout (mais  pas l’ironie). 

 •      Décaler : lorsqu’il y a de la tension, on perd (souvent) la raison. Réagir à chaud n’est pas forcément une bonne solution d’autant plus lorsqu’on court le risque de l’engrenage devant le reste de la classe. Il peut alors être utile de retarder et de décaler la confrontation en proposant par exemple d’en reparler à froid par exemple à la fin de la classe. Une médiation peut quelquefois être utile. 

•      Dépersonnaliser : c’est un des grands principes du droit. Il faut distinguer l’acte et la personne. Celle ci a commis un acte qui n’est pas acceptable et c’est cela qui est l’objet du conflit et d’une forme de jugement. Mais (et c’est aussi un moyen de préserver l’estime de soi) poser que celui qui commis cela n’est pas réductible à ce seul acte. Concrètement cela signifie dire à l’élève : “tu vaux mieux que ça”. Et considérer que l'on peut évoluer et revenir sur ses erreurs. 

•      Décryper : les situations de conflit naissent dans un contexte qui est celui de la classe et de l’établissement à un moment donné. Le climat scolaire peut évoluer grâce à l’action de tous et de chacun. Analyser les situations de conflit, suppose aussi d’avoir une démarche “pro-active” pour prévenir les problèmes et éviter qu’ils se reproduisent. On peut essayer de réfléchir à froid aux mécanismes qui ont conduit au conflit. On peut aussi poser la question au groupe classe dans des réunions de régulation. C'est la fonction des "heures de vie de classe" mais dans le secondaire, on peut aussi “perdre" une heure pour améliorer les relations pour le reste de l'année. N'oubliez pas également les CPE qui peuvent être d'une grande aide. 


En résumé, si on n’est jamais vraiment prêt à des situations de conflit qui sont toujours singulières et spécifiques, quelques règles d’action peuvent nous aider à anticiper et éviter quelques erreurs. Ce sont ces principes que j’ai essayé de rassembler ici. J’espère qu’ils seront utiles. 

Ph. Watrelot


Lectures utiles

Les conflits en milieu scolaire : des clés pour mieux les cerner, les anticiper, les gérer - Canopé janvier 2024

Stratégies efficaces de gestion des conflits en classe - Bien enseigner

Apprendre à gérer les conflits : 2 activités d'apprentissage - Site Etre Prof

Et bien sûr Le site NéoPass @ction de l'IFÉ

La bibliothèque idéale du professeur débutant (2021) - Philippe Watrelot


Ce billet de blog constitue un complément de la vidéo portant le même titre sur la chaine YouTube TeachSchnock






mercredi 18 septembre 2024

Les rituels en classe



Des élèves, debout, au début du cours pendant que le maître fait l’appel et qui s’assoient seulement quand celui-ci les y invite. Un enseignant à l’entrée de sa salle de classe qui accueille ses élèves, un par un avec un “check” spécifique... Deux salles, deux ambiances… (deux époques ? la 1ere image est encore d’actualité) Toutes les deux ont un point commun : elles nous parlent de rituels de classe. 

Ceux ci ne sont pas réservés aux temps anciens. Ils sont toujours d’actualité et ont une utilité et plusieurs fonctions dans la gestion de la classe et dans la construction d’un cadre de travail (voir la vidéo et le billet précédents). 

Rites, routines, consignes, protocoles, automatismes, habitudes,… le champ lexical est riche. Hormis le rite qui s’applique surtout au domaine religieux, les autres termes renvoient à des pratiques existantes et voisines. Mais on préfèrera le terme de « rituel de classe » pour désigner une pratique récurrente à but pédagogique qui revient à un moment bien défini du cours. 


Idées reçues

Avant de rentrer dans le détail et le but des rites, continuons à démonter certaines idées reçues…On vient de le voir en introduction, les rituels ce n’est pas que des trucs de vieux, des pratiques un peu dépassées. Si certaines formes de rituels nous ramènent à l’école de Jules Ferry, on peut inventer des manières d’accueillir, ou de débuter la classe, plus modernes. Car si les modalités changent, la fonction demeure.  

Mettre en place des rituels ne fait donc pas de vous un conservateur passéiste. Rappelons que différents mouvements pédagogiques de l’éducation nouvelle inscrivent dans leurs pratiques des rituels spécifiques : le conseil d’élèves dans la pédagogie de Célestin Freinet, les bilans après les ateliers avec Maria Montessori, les groupes de parole préconisés par Fernand Oury. 

Autre idée reçue : on a tendance, à tort, à assimiler les rituels à des pratiques réservées aux « petites classes ». On a alors en tête des exemples comme l’inscription de la date ou la reconnaissance des prénoms et le comptage du nombre de présents. Mais les rituels existent aussi chez les grands ! Et ils y sont tout aussi utiles. 



A quoi ça sert ?  

Ces activités courtes répétées de façon périodique peuvent avoir plusieurs fonctions : automatiser certaines points, donner des habitudes de travail, consolider les savoirs, donner des repères temporels, créer un sentiment d’appartenance… 

Comme il est fondé sur la répétition, le rituel à l’école crée donc des conditions favorables pour apprendre. S’il constitue une forme de contrainte, c’est aussi un support pour l’activité voire la créativité. Il construit un cadre sécurisant qui permet à l’élève d’entrer dans les apprentissages. C’est encore plus vrai pour les élèves en situation de handicap ayant des troubles de l’apprentissage. 

Il développe la mémoire par sa répétition, des capacités d’anticipation, de la confiance en soi et de l’autonomie par son caractère connu. Ce peut être aussi un moyen de stabiliser des connaissances en invitant l’élève à faire le point sur ce qu’il a fait et la manière dont il a appris (on parle alors de métacognition)

Par sa régularité et sa fréquence, le rituel structure la vie de l’élève et propose des repères d’espace (endroit de la classe où l’activité a lieu), de temps (dans la journée, la semaine, le mois). C’est aussi un moyen de marquer le début et la fin d’une activité ou d’une séance de cours. 

C’est donc aussi un outil de gestion de classe. Quand le rituel est installé, il devient contractuel : l’élève sait ce qu’il doit faire, comment et quand. Par ce contrat tacite, l’élève sachant ce qu’on attend de lui peut alors anticiper et être autonome. Cela construit donc le cadre de travail. 

Du point de vue social, il assoit les règles de vie scolaire. Partagé collectivement, il a, de fait, une vertu symbolique car il développe un sentiment d’appartenance au groupe. Les heures de vie de classe ou les conseils d’école peuvent aussi permettre de réguler les conflits par des procédures clairement établies. 


Des rituels pour tous les moments

C’est donc un domaine très vaste que celui des rituels. Il est difficile d’en faire le tour tant il peut y en avoir de différents selon les niveaux et les pratiques de chacun. 

Énumérons-en quelques uns qui nous renvoient à trois dimensions et moments :

  • rituels d’entrée
  • rituels de sortie
  • rituels d’apprentissage. 

Énonçons ce qui peut sembler des évidences : tous les enseignants utilisent des  « rituels » pour démarrer leurs cours. Cela peut être très simple, ne serait-ce que dire « Bonjour » ou faire rentrer les élèves en classe. Mais même ainsi, il y a différentes manières d’accueillir les élèves qui peuvent être plus ou moins sophistiquées et différentes selon l’âge. 

Pour ma part, en lycée, je me plaçais à l’entrée de la salle pour dire bonjour à chaque élève (ce qui me permettait aussi de vérifier l’absence de casquettes, écouteurs, téléphones, etc). Après le début d’année où j’essayais de mémoriser les visages et les noms avec un appel « classique », la vérification des présents se faisait plutôt discrètement alors qu’ils étaient en activité. Au primaire et encore plus en maternelle, ces moments peuvent prendre plus de temps et des formes différentes. 



Le début du cours peut être l’occasion de rappeler ce qu’on a vu précédemment et cela peut passer éventuellement par une évaluation (notée ou non…). Il est aussi nécessaire de présenter les objectifs de la séance et ce qui est attendu. Le début d’une séance ou d’une journée peut aussi comporter des moments plus ritualisés comme le « quoi de neuf » souvent utilisé en élémentaire ou des revues de mots, une citation, une revue de presse, un bref exposé, … les possibilités sont très grandes. Vous trouverez plusieurs idées dans le tableau joint à la fin de cet article. 

Comment clore la fin d’une séance de cours ? Là aussi les rituels sont nombreux. Ils sont souvent liés aux apprentissages. Puisqu’on a énoncé des objectifs ou des questions en début de séance, il convient d’y répondre à la fin. Fixer le travail à faire pour la prochaine fois est aussi incontournable Mais, avant cela,  le plus important est de permettre une synthèse de ce qui a été vu et d’instituer de ce que l’on a appris. Il y a, là encore, de nombreuses modalités pour y parvenir qui vont de la dictée d’un résumé en passant par un dialogue avec les élèves jusqu’à des exercices d’auto-évaluation. Car il ne suffit pas d’avoir appris, il faut aussi le savoir et prendre conscience qu’on a appris ! Pour le dire autrement, il ne suffit pas de placer les élèves dans des dispositifs très riches pour les mettre en activité et favoriser leurs apprentissages, il faut aussi leur montrer qu’ils ont appris. C’est une lacune de beaucoup d’enseignants adeptes des « méthodes actives » d’oublier cette nécessité d’«institutionnaliser les savoirs » qui incombe à l’enseignant. 


Entre le début et la fin, il y a le cours ! Et, là aussi, il y matière à ritualiser. Pour démarrer une activité, faire un exercice, chaque enseignant va doter les élèves de procédures, d’automatismes, d’habitudes de travail. Pour construire l’autonomie ou organiser l’entraide ou l’appel à l’aide de l’enseignant, les exemples sont nombreux. Il en est de même pour la prise de parole en classe ou les interrogations orales. 

Tous ces automatismes sont la condition pour sécuriser les élèves et leur permettre d’apprendre et de progresser. 



S’intéresser aux rituels, ce n’est pas tomber dans la nostalgie ! Si l’école de la IIIème République s’est construite avec des rituels forts et contraignants, il nous appartient d’inventer les rituels de l’École du XXIème siècle et de ne pas retomber dans les pièges tendus par une opinion conservatrice. Mettre les élèves en situation mentale propice au travail, créer un espace et un temps dédié aux apprentissages, favoriser le sentiment d’appartenance, créer du collectif (tout en respectant les individualités), … Toutes ces fonctions demeurent mais il nous incombe à chacun dans nos classes et nos établissements de les adapter aux enjeux d’aujourd’hui. 


PhW




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Quelques lectures complémentaires


Pour un renouveau des usages et des définitions des rituels à l’école

Recherche en éducation Hors série n°8 Septembre 2015


Instaurer des rituels et des routines pédagogiques

Site Etre Prof


Rituels

Site « Tous à l’école »


10 idées de rituels de classe pour la rentrée

Site « Prof Power » (le livre scolaire)


Les rituels de classe

Podcast « Mes trucs de prof » Emilie Le Phat Tan



Ce billet de blog constitue un complément de la vidéo portant le même titre sur la chaine YouTube TeachSchnock






lundi 9 septembre 2024

Construire un cadre


« Construire un cadre de travail (serein) pour les élèves » « poser un cadre pour la classe »… Poser ou construire, quelque soit le verbe, le “cadre” fait partie de ces mots valises qu’on retrouve fréquemment dans la formation et les conseils destinés  aux enseignants 

C’est, en effet, une problématique des premières semaines et un élément important des gestes professionnels de l’enseignant. Mais qu'est ce qu'on y met dans ce cadre ? Et pour quoi faire ? Et si les élèves sortent du cadre ? que se passe t-il ? Quels sont les enjeux pour le prof? 


Qu’y a t’il dans le cadre ? 

Derrière ce mot, il y a des choses très simples que tous les enseignants cherchent à installer et mettre en œuvre. 


En premier lieu, il y a d’abord des normes ou pour le dire plus simplement des règles de vie. Le professeurs de SES que je suis (toujours) définirait les normes comme « l’ensemble des règles écrites ou non écrites issues des valeurs et régissant les comportements attendus partagés par les membres d'un groupe ou d'une société donnée»  » 

Au sein de la classe, l’enjeu est donc de faire en sorte que ces règles deviennent celles de tous. Cela passe par un processus de socialisation plus ou moins long pour que les élèves les intègrent. Ce n’est pas du « dressage » ! Chacun  acceptera d’autant mieux les règles si elles ont été explicitées voire négociées. Mais ce n’est pas une garantie. On peut comprendre l’intérêt rationnel de l’existence d’un feu rouge ou d’un stop et vouloir essayer de le griller quand même... Les normes sont indissociables de l’existence de sanctions.

Dans le cadre de la classe, le professeur peut donc expliquer les raisons de certaines règles et même les négocier. Par exemple : pourquoi doit-on lever la main pour demander la parole ? Parce que sinon, plus personne ne s’écoute et tout le monde parle en même temps. La contrepartie de cette règle est donc la possibilité d’être écouté. 

On peut être encore plus précis et mettre en avant les valeurs que l’on veut promouvoir dans la classe et son enseignement. La coopération, l’entraide  et la solidarité sont des valeurs qui peuvent s’énoncer mais aussi et surtout s’incarner dans des pratiques de classe et des dispositifs comme le travail de groupe, la bourse des savoirs ou le tutorat. 

Les habitudes de travail ne s’installent pas en un jour. Réaliser un travail collectif est une tâche difficile (y compris pour les enseignants eux-mêmes). Il faut quelquefois lutter contre les représentations et les résistances des élèves qui vont préférer des formes de travail scolaire plus individualistes, passives et moins engageantes. Travailler en groupes, cela s’apprend aussi bien pour l’élève que pour l’enseignant. C’est dans la durée que ce type de mise en activité prend toute son efficacité et tout son sens.

Construire un cadre c’est donc expliciter les attentes en termes de comportements et installer des habitudes de travail. Celles ci passent aussi par des rituels qui peuvent structurer le déroulement d’un cours (début, milieu, fin…) et permettre un meilleur apprentissage. Au final, l’enjeu c’est de créer un climat de classe. La chercheuse Dominique Bucheton parle pour sa part d’ « atmosphère » mais on peut aussi, pour continuer avec le vocabulaire de la sociologie, parler d’une “culture’ du groupe classe. C’est bien sûr plus aisé quand c’est quelque chose qui est partagé par les autres enseignants. 


Un cadre lisible et sécurisant

Poser un cadre c’est le rendre lisible et c'est soi même être «prévisible ». 

L’objectif c’est d’être sécurisant pour les élèves (petits et grands !) car c’est aussi ce qui garantit les apprentissages ou du moins les rend plus sereins Etre “prévisible”, cela peut aussi se traduire simplement dans la conduite du cours par une pédagogie la plus explicite possible. Annoncer simplement les objectifs du cours, le plan, les critères d’évaluation (et les dates des contrôles !), les éventuelles sanctions… ce sont des éléments importants de cette prévisibilité.

Un dessin de Pol Le Gall dans Les Cahiers Pédagogiques


Car l’enjeu c’est bien, au final, d ‘apprendre. Expliciter les règles n’est pas synonyme de négociation permanente. S’il est utile sur le plan éducatif de bien comprendre la nécessité des normes et même de négocier certaines modalités, cela ne peut se faire au détriment des apprentissages. Il est important ainsi de tracer une limite entre le négociable et le non-négociable. 

Il faut savoir placer le curseur : Être constant, cohérent, agir avec fermeté pour préserver l’ordre dans la classe mais aussi savoir s’adapter à ce qui se passe et entendre les demandes. 

Etre juste et prévisible :  question de crédibilité ! 


« Dire ce qu’on va faire et faire ce qu’on a dit »

Cette maxime résume assez bien ce que devrait être la posture de tout éducateur (il n’y a pas que les enseignants, mais aussi les animateurs et au final, tous les adultes…). Ce qu’attendent finalement les élèves, c’est que le prof soit prévisible. C’est-à-dire qu’il donne (explicitement ou implicitement) des repères, des règles, des valeurs et qu’il s’y tienne. 

Cela je l’ai appris bien avant d’être enseignant, lorsque j’ai été animateur de centre de vacances. Et cela demande lorsqu’on est jeune, un travail sur soi puisqu’il faut accepter de basculer dans le monde des adultes. Ne pas être leur “grand frère” et encore moins leur “copain” mais un adulte qui assume ce rôle et fait respecter des règles. C’est aussi une forme de respect à l’égard des élèves.

Cela veut dire aussi qu’il ne faut pas annoncer et promettre des choses qu’on ne peut pas tenir. C’est donc pour cela que, s’il est souhaitable que ces règles et ces valeurs soient formulées explicitement, il peut être dangereux de s’enfermer dans un ensemble de contraintes trop important comme des « règlements de classe » interminables. La cohérence, elle se voit surtout dans les actes et dans les valeurs qui les sous-tendent.

Quand on demande, (comme je l’ai fait) aux élèves de définir un bon prof, Dans une enquête que j’avais réalisée auprès de plus de 500 élèves de seconde (que je relate dans un article intitulé « qu’est-ce qu’un bon prof ? » ) ils en viennent à définir aussi ce qu’est pour eux un “bon cours” et c’est alors la qualité de la structure du cours qui est mise en avant.

Mais es élèves considèrent d’abord qu’un bon prof est quelqu’un qui sait tenir sa classe. « Il doit savoir se faire respecter » mais on ajoute aussi qu’il ne doit pas être trop autoritaire « Il doit être sérieux et cool » ou bien encore « Il doit être drôle mais savoir mettre les limites quand il le faut ». On attend à la fois un traitement égal pour tous  car « Il ne doit pas faire de différence entre les élèves » mais aussi de l’écoute et la prise en compte des situations particulières. 

L’équilibre est difficile à tenir. Construire un cadre, c’est un travail de précision ! 


PhW



Biblio/sitographie

Poser le cadre en classe : première base de la posture enseignante Site Etre prof

Poser le cadre Site Etre prof


Un cadre serein dans sa classe, ça se construit Charlène Schneider – ESF-Sciences Humaines 2020



Cet article accompagne la vidéo qui porte le même nom sur la chaine YouTube Teachschnock